Quelqu’un m’a demandé il n’y a pas longtemps pourquoi nous récitons le Credo ou Symbole de Nicée lors de l’Eucharistie dominicale. Pourquoi introduire dans un acte de culte une série de déclarations dogmatiques destinées à l’origine à tracer des lignes de démarcation entre « les orthodoxes » et « les hérétiques » ? Il se trouve que l’année 2025 marque le 1700e anniversaire du Concile de Nicée, qui a donné son nom au Credo de Nicée. (La forme actuelle du Credo a intégré les enseignements d’un autre concile œcuménique, celui de Constantinople en 381). La question arrive donc à point nommé. La personne avec qui je me suis entretenu reflétait la tendance assez répandue à considérer le Credo comme une déclaration doctrinale officielle de ce que nous croyons mutuellement. Ces croyances sont parfois appelées « dogmes de l’Église ». C’est une façon particulièrement inconfortable d’en parler. Que nous donnions ou non notre assentiment mental à ces dogmes, il se peut qu’ils ne fassent pas brûler nos cœurs d’amour.
English translation
Le dogme suggère le « dogmatisme », une attitude d’esprit qui considère sa propre compréhension de la Tradition chrétienne comme la seule légitime et ne tolère aucune autre opinion. Il encourage l’illusion que nous pouvons contenir le Mystère et l’enfermer dans une formule qui définit à jamais sa nature, que nous possédons déjà la plénitude de la Vérité.
Nous ne pourrons jamais posséder la plénitude de la Vérité. Il ne peut y avoir de dernier mot sur Dieu. Nous ne pouvons pas comprendre Dieu définitivement, totalement, même au ciel. Saint Grégoire de Nysse (+394) a enseigné qu’au ciel, nous grandissons sans fin en Dieu, apprenant de plus en plus de choses sur Dieu, devenant de plus en plus semblables à Dieu. Cet apprentissage infini, sans fin, n’est pas seulement ce qu’est réellement le ciel, c’est aussi ce qu’est la vie de foi sur terre : une connaissance et une conscience de Dieu de plus en plus grandes à travers un amour de plus en plus grand.
Le Credo ne « contient » donc pas Dieu – il ne place aucune limite à l’intérieur de laquelle nous pouvons faire l’expérience de Dieu. Le Mystère de Dieu est plus grand que les formules qui tentent d’exprimer Dieu par des mots. Le Credo est une image inspirée – une image vraie – de la réalité inépuisable de Dieu et de ses relations avec le monde.
C’est peut-être pour cette raison que l’Église orientale, suivant l’ancien usage des Pères, appelle rarement les vérités contenues dans le Credo des « dogmes », mais les qualifie de « mystères ». Il ne s’agit pas de les expliquer ou de les définir trop rapidement, mais de les proclamer, d’y réfléchir et de s’en approcher avec émerveillement et crainte. Le Credo n’est pas une liste de « faits » sur Dieu, mais un acte d’adoration du mystère de l’amour de Dieu : une célébration de tout ce que Dieu a fait pour nous.
Le Credo, tout comme les sacrements (souvent appelés « les mystères »), les prières et l’ensemble de notre Tradition de foi, ne peut être appréhendé par notre esprit rationnel. On pourrait dire que les Credo sont des tentatives pour être le moins trompeur possible sur ce que l’on peut dire de Dieu. En d’autres termes, pour connaître et comprendre ce qui est vrai, il est nécessaire de renoncer à ce qui n’est pas vrai. Les mystères de la foi ne peuvent finalement pas être contenus par un effort cérébral. Ils ne peuvent qu’être accueillis au cœur de notre être, réjouis et embrassés.
Dans cette perspective, il est peut-être plus facile de comprendre la place du doute dans la vie chrétienne. Si nous pensons que la foi doit nous donner une certitude absolue et inébranlable de ce que nous professons croire, nous voyons le doute comme l’ennemi de la foi. Au mieux, c’est une épreuve ; au pire, un péché grave.
Cependant, le doute n’est pas toujours dangereux pour la foi. Le doute peut être une réaction nécessaire et naturelle de la raison humaine face à toute situation où elle n’a pas le dernier mot. Sans la capacité de la raison humaine à douter d’elle-même, à remettre en question et à repenser ses propres solutions et conclusions, aucun progrès ne serait possible dans aucun domaine de la connaissance ou de la science. Le doute est le signe que la connaissance que nous possédons ne peut jamais être absolue mais doit toujours rester incomplète.
Pourtant, comme tous les autres aspects de notre nature, notre raison – notre esprit pensant – peut vouloir trop en faire. Elle peut refuser d’accepter ses propres limites. Elle peut soulever des questions et exiger des réponses rationnelles dans des domaines où il n’y en a pas. La source de la plupart des controverses ou « hérésies » qui ont causé tant de dissensions dans l’Église primitive réside précisément dans le désir de certains théologiens chrétiens de se débarrasser de la nature paradoxale des vérités de la foi et de ne choisir qu’un seul côté du paradoxe.
Les ariens, par exemple, affirmaient que, puisque Dieu ne pouvait être sujet au changement, il lui aurait été impossible de prendre la nature humaine et que le Christ, qui était pleinement humain, n’aurait pas pu être pleinement Dieu. Les nestoriens insistaient sur le fait que Dieu ne pouvait pas naître d’une femme et que, par conséquent, Marie ne pouvait pas être la Theotokos, la porteuse de Dieu ou la mère de Dieu, et que l’humanité du Christ n’aurait pas pu être totalement réelle. Les manichéens pensaient que, puisque Dieu ne pouvait être tenu pour responsable de l’existence du mal dans le monde, il devait y avoir deux dieux : l’un responsable de Dieu, l’autre du mal.
Le Credo, en tant que partie de la grande Tradition de l’Église, a toujours souligné la nécessité de conserver les deux côtés de chaque paradoxe. Il a également insisté sur le fait que les mystères de la foi doivent nous apparaître comme des paradoxes, parce que notre esprit ne peut pas embrasser la totalité du Mystère vers lequel ils pointent. Ils ne présentent pas des vérités différentes et contradictoires, mais ne sont que des aperçus partiels de l’unique Vérité inconnaissable et inexprimable.
Bien que le Credo puisse être lu en privé, sa place la plus naturelle est donc dans l’acte principal du culte de l’Église, cette occasion où nous nous ouvrons et nous donnons au grand Mystère, reconnaissant que notre vie de foi sera toujours un voyage à l’intérieur du Mystère. Le Credo nous donne les grandes lignes de la grande histoire de ce voyage et nous donne une raison d’élever nos cœurs et de rendre grâce.
Le révérend chanoine Kevin Flynn est le pasteur de la paroisse St-Bernard-de-Clairvaux.
Ici on parle français — RĒFLEXION
Le Credo de Nicée
Quelqu’un m’a demandé il n’y a pas longtemps pourquoi nous récitons le Credo ou Symbole de Nicée lors de l’Eucharistie dominicale. Pourquoi introduire dans un acte de culte une série de déclarations dogmatiques destinées à l’origine à tracer des lignes de démarcation entre « les orthodoxes » et « les hérétiques » ? Il se trouve que l’année 2025 marque le 1700e anniversaire du Concile de Nicée, qui a donné son nom au Credo de Nicée. (La forme actuelle du Credo a intégré les enseignements d’un autre concile œcuménique, celui de Constantinople en 381). La question arrive donc à point nommé. La personne avec qui je me suis entretenu reflétait la tendance assez répandue à considérer le Credo comme une déclaration doctrinale officielle de ce que nous croyons mutuellement. Ces croyances sont parfois appelées « dogmes de l’Église ». C’est une façon particulièrement inconfortable d’en parler. Que nous donnions ou non notre assentiment mental à ces dogmes, il se peut qu’ils ne fassent pas brûler nos cœurs d’amour.
English translation
Le dogme suggère le « dogmatisme », une attitude d’esprit qui considère sa propre compréhension de la Tradition chrétienne comme la seule légitime et ne tolère aucune autre opinion. Il encourage l’illusion que nous pouvons contenir le Mystère et l’enfermer dans une formule qui définit à jamais sa nature, que nous possédons déjà la plénitude de la Vérité.
Nous ne pourrons jamais posséder la plénitude de la Vérité. Il ne peut y avoir de dernier mot sur Dieu. Nous ne pouvons pas comprendre Dieu définitivement, totalement, même au ciel. Saint Grégoire de Nysse (+394) a enseigné qu’au ciel, nous grandissons sans fin en Dieu, apprenant de plus en plus de choses sur Dieu, devenant de plus en plus semblables à Dieu. Cet apprentissage infini, sans fin, n’est pas seulement ce qu’est réellement le ciel, c’est aussi ce qu’est la vie de foi sur terre : une connaissance et une conscience de Dieu de plus en plus grandes à travers un amour de plus en plus grand.
Le Credo ne « contient » donc pas Dieu – il ne place aucune limite à l’intérieur de laquelle nous pouvons faire l’expérience de Dieu. Le Mystère de Dieu est plus grand que les formules qui tentent d’exprimer Dieu par des mots. Le Credo est une image inspirée – une image vraie – de la réalité inépuisable de Dieu et de ses relations avec le monde.
C’est peut-être pour cette raison que l’Église orientale, suivant l’ancien usage des Pères, appelle rarement les vérités contenues dans le Credo des « dogmes », mais les qualifie de « mystères ». Il ne s’agit pas de les expliquer ou de les définir trop rapidement, mais de les proclamer, d’y réfléchir et de s’en approcher avec émerveillement et crainte. Le Credo n’est pas une liste de « faits » sur Dieu, mais un acte d’adoration du mystère de l’amour de Dieu : une célébration de tout ce que Dieu a fait pour nous.
Le Credo, tout comme les sacrements (souvent appelés « les mystères »), les prières et l’ensemble de notre Tradition de foi, ne peut être appréhendé par notre esprit rationnel. On pourrait dire que les Credo sont des tentatives pour être le moins trompeur possible sur ce que l’on peut dire de Dieu. En d’autres termes, pour connaître et comprendre ce qui est vrai, il est nécessaire de renoncer à ce qui n’est pas vrai. Les mystères de la foi ne peuvent finalement pas être contenus par un effort cérébral. Ils ne peuvent qu’être accueillis au cœur de notre être, réjouis et embrassés.
Dans cette perspective, il est peut-être plus facile de comprendre la place du doute dans la vie chrétienne. Si nous pensons que la foi doit nous donner une certitude absolue et inébranlable de ce que nous professons croire, nous voyons le doute comme l’ennemi de la foi. Au mieux, c’est une épreuve ; au pire, un péché grave.
Cependant, le doute n’est pas toujours dangereux pour la foi. Le doute peut être une réaction nécessaire et naturelle de la raison humaine face à toute situation où elle n’a pas le dernier mot. Sans la capacité de la raison humaine à douter d’elle-même, à remettre en question et à repenser ses propres solutions et conclusions, aucun progrès ne serait possible dans aucun domaine de la connaissance ou de la science. Le doute est le signe que la connaissance que nous possédons ne peut jamais être absolue mais doit toujours rester incomplète.
Pourtant, comme tous les autres aspects de notre nature, notre raison – notre esprit pensant – peut vouloir trop en faire. Elle peut refuser d’accepter ses propres limites. Elle peut soulever des questions et exiger des réponses rationnelles dans des domaines où il n’y en a pas. La source de la plupart des controverses ou « hérésies » qui ont causé tant de dissensions dans l’Église primitive réside précisément dans le désir de certains théologiens chrétiens de se débarrasser de la nature paradoxale des vérités de la foi et de ne choisir qu’un seul côté du paradoxe.
Les ariens, par exemple, affirmaient que, puisque Dieu ne pouvait être sujet au changement, il lui aurait été impossible de prendre la nature humaine et que le Christ, qui était pleinement humain, n’aurait pas pu être pleinement Dieu. Les nestoriens insistaient sur le fait que Dieu ne pouvait pas naître d’une femme et que, par conséquent, Marie ne pouvait pas être la Theotokos, la porteuse de Dieu ou la mère de Dieu, et que l’humanité du Christ n’aurait pas pu être totalement réelle. Les manichéens pensaient que, puisque Dieu ne pouvait être tenu pour responsable de l’existence du mal dans le monde, il devait y avoir deux dieux : l’un responsable de Dieu, l’autre du mal.
Le Credo, en tant que partie de la grande Tradition de l’Église, a toujours souligné la nécessité de conserver les deux côtés de chaque paradoxe. Il a également insisté sur le fait que les mystères de la foi doivent nous apparaître comme des paradoxes, parce que notre esprit ne peut pas embrasser la totalité du Mystère vers lequel ils pointent. Ils ne présentent pas des vérités différentes et contradictoires, mais ne sont que des aperçus partiels de l’unique Vérité inconnaissable et inexprimable.
Bien que le Credo puisse être lu en privé, sa place la plus naturelle est donc dans l’acte principal du culte de l’Église, cette occasion où nous nous ouvrons et nous donnons au grand Mystère, reconnaissant que notre vie de foi sera toujours un voyage à l’intérieur du Mystère. Le Credo nous donne les grandes lignes de la grande histoire de ce voyage et nous donne une raison d’élever nos cœurs et de rendre grâce.
Le révérend chanoine Kevin Flynn est le pasteur de la paroisse St-Bernard-de-Clairvaux.
Keep on reading
Love yourself as your neighbour
Church of the Epiphany, Barry’s Bay — Deanery of the Northwest
Dinner and drumming extravaganza on Valentine’s Day!
St. Thomas the Apostle marks Black History Month
Welcoming the new year at Christ Church Cathedral Ottawa
Black Anglicans in the Diocese, 1881-1923: Discrimination